CHAPITRE 3 - PARTIE 1
8h00
Quand le réveil sonna, Marie était plongée
dans un rêve mouvementé, plutôt un cauchemar, en conclut-elle en se réveillant.
Elle n'en avait plus aucun souvenir, mais trembla encore comme une feuille en y
pensant sous la douche. Elle sortit et se sécha rapidement, il ne lui restait
même plus assez de temps pour se maquiller et prendre un petit-déjeuner avant
de conduire Marc à l'école.
Le petit était déjà en train
de manger quand elle descendit pour le rejoindre dans la cuisine. Tous les
soirs – quand il y avait école le lendemain – elle laissait le nécessaire pour
son petit-déjeuner à porter de mains pour qu'il se le prépare tout seul. Elle
lui avait montré comment faire plus d'une fois.
— Alors mon poussin, prêt pour
aller à l'école ?
— M’man, j'ai pas envie
d'aller à l'école, répondit-il avec sa moue suppliante qu'il prenait à chaque
fois qu’il voulait obtenir quelque chose.
Oh non ! pensa Marie, pas
ça, pas aujourd'hui, j'ai trop de cours, je ne peux pas, il faut que je me
montre autoritaire et ferme, il doit aller à l'école. En plus, je ne peux même
pas compter sur Claire, elle est à l'école toute la journée le mardi. Alors pas
de caprice ce matin, il ira à l'école, un point c'est tout.
— Non ! Tu dois aller à
l'école, je ne peux pas te garder à la maison aujourd'hui, j'ai beaucoup trop
de cours, et puis je ne veux pas accepter tous tes caprices, si encore tu étais
malade…
— Mais je veux bien aller avec
toi, dans ton école.
Elle l'avait fait une fois,
il n’avait pas voulu aller à l'école comme ce matin et en désespoir de cause,
elle l'avait amené avec elle en cours. Il avait été intenable, il avait
perturbé ses cours et ses élèves, elle avait alors décidé de ne plus jamais
réitérer une telle expérience.
— Non, je ne veux pas, tu ne
te rappelles pas la dernière fois quand je t'ai amené comment tu t'es comporté
? Pas question, tu ne viendras pas.
— Mais…
— Pas de mais, je n'ai pas
le temps de discuter davantage avec toi, je t'ai dit que tu iras à l'école
aujourd'hui, un point c'est tout. Me suis-je montrée assez clair ! Alors
maintenant file de débarbouiller et mettre ton manteau et fais vite !
s’écria-t-elle toute énervée à présent.
Pas content d'avoir été
réprimandé, Marc se leva lourdement en faisant traîner sa chaise – il savait
que sa mère n'aimait pas ça – puis, il marcha d'un pas lourd en prenant tout
son temps.
— Marc Martins ! Je n'ai pas
envie de crier alors dépêche-toi avant que je ne m'énerve pour de bon, compris
!
Trop tard, elle avait déjà
crié, il avait le don pour lui faire perdre patience.
Il redescendit cinq minutes
plus tard, fin prêt à partir à l'école, mais toujours avec son air boudeur.
Sur le trajet jusqu'à
l'école, il n'ouvrit pas une seule fois la bouche contrairement à son habitude,
Marie comprit que ce n'était pas la peine d'insister au risque d'envenimer
encore plus les choses, elle ne lui parla donc pas.
Elle se dit que la journée
commençait mal, vraiment mal. Elle n'aimait pas ce caractère capricieux chez
son fils, elle ne savait pas d'où il pouvait bien tenir ça, ni elle ni son père
n'avaient été comme ça étant petits.
Arrivés devant son école,
elle lui réclama un bisou, le petit trop rancunier ne lui lança qu'un au revoir
de la main, et encore, de loin.
Déçue et un peu triste –
Marie détestait ces querelles avec son fils, elle l'aimait beaucoup trop pour
ça – elle retourna à sa voiture et prit le chemin du lycée.
Entre temps, la pluie
s'était remise à tomber, depuis plusieurs semaines déjà ça n'arrête pas, pensa-t-elle.
Elle haïssait vraiment le mois de mars et ses giboulées pour cette raison.
A l'école, elle prit la
direction de la salle des profs afin de s'octroyer, se dit-elle, un peu de
répit après cette déception et avant cette longue journée qui l'attendait. Mais
c'était sans compter la présence de Stephen. A peine avait-elle franchi la
porte qu'il se l'accaparait déjà.
— Salut Marie ! Comment ça va
?
— Bien et toi ?
— Mieux maintenant, tu as
réfléchi à ce que je t'ai proposé hier ?
— A vrai dire je n'ai pas eu
la tête à ça, mais je n'ai pas oublié, ne t'inquiète pas.
Qu'est-ce qu'il pouvait
l'énerver à toujours revenir à la charge comme ça, elle n'en pouvait plus, elle
avait alors décidé : elle accepterait son invitation pour se débarrasser de
lui.
— Excuse-moi, mais j'ai un
cours qui commence dans 10 minutes et je dois passer un coup de fil avant.
Enfin seule, elle appela
Jeanne à son travail. Elle était pour ainsi dire la sœur qu'elle n'avait jamais
eue, elles étaient très proches toutes les deux et inséparables. Elles
s'étaient rencontrées à l'université, et depuis ne s'étaient jamais quittées.
Jeanne était alors mariée depuis l'âge de 20 ans et avait déjà eu une fille,
Claire – qui gardait très gentiment Marc quand Marie finissait les cours tard –
quand elles s'étaient croisées pour la première fois. Son mari Jacques
Deslanges était chirurgien à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, c'était la mode dans
sa famille, on était chirurgien de père en fils.
— Salut Jeanne !
— Je me disais que tu
n'appellerais plus vu l'heure qu'il est.
— Tu rigoles ou quoi ! Il n'est même
pas 9 heures 30. Au fait, j'espère qu’hier Claire n'est pas rentrée trop tard à ton goût.
— Non, mais elle m'a dit que
tu es une vraie tortionnaire.
— C'est pas vrai ! Qui l'eût
cru ! plaisanta-t-elle.
Et elles partirent ensemble
dans un fou rire, Jeanne en repensant à la mine amusée de sa fille qui lui
disait cela et Marie en revoyant l'épisode de la veille où l’adolescente avait
promis de se plaindre auprès de sa mère.
— Oui, j'avoue, je l'ai forcée
à faire ma lessive, ironisa Marie.
— C'est ce qu'elle m'a raconté
effectivement.
Elles se parlèrent encore
pendant cinq bonnes minutes avant qu'elles ne raccrochent le téléphone. Marie
ne voulut pas perdre un instant de plus, elle allait être en retard à son
premier cours de la journée. (...)